La communauté de communes de l'Enclave des papes a , avec l'accord des maires des 4 communes, modifié ses stauts pour renforcer ses compétences ( eau, ordures ,tourisme.... ) et instaurée la TPU ( Taxe professionnelle unique). Mme Agnès Pinault, sous préfète de l'arrondissement est venue solenellement remettre les arrétés préfectoraux qui entérinent ces modifications. A cette occasion, Patrick Adrien, président de la Communauté a demandé à Sophie bentin , historienne d'être le témoin de ces changements historiques. Elle a notamment dit :
"Je suis ici à la demande de Monsieur Patrick Adrien afin de donner mon sentiment d'historienne de l'enclave sur cet événement qui nous rassemble aujourd'hui à savoir le renforcement des compétences de la communauté des communes de l'enclave des Papes.
En tant qu'historienne, je serais bien évidemment tentée de revenir sur l'histoire de l'enclave des Papes, une histoire exceptionnelle à divers titres. Exceptionnelle d'abord par sa longévité : c'est au 13e siècle que les souverains pontifes prennent possession des premières communes de ce qui allait former le Comtat Venaissin et c'est en 1451 que les quatre communes de l'enclave actuelle sont intégrées toutes ensembles au sein de l'enclave de Valréas. Une histoire exceptionnelle aussi par la situation géopolitique de ces communes qui se retrouvent enclave d'une autre enclave -le Comtat- aux limites de deux provinces françaises mais aussi limitrophes de la principauté d'Orange. Or. cette situation territoriale si particulière engendre de nombreuses difficultés douanières. Et la meilleure réponse à ces difficultés réside dans la cohésion qui caractérise les relations entre les communes de l'enclave. Qu'il s'agisse de libérer un contrebandier malchanceux ou de défendre les droits de l'enclave devant le pape ou le roi de France, les communes peuvent compter les une sur les autres : les intérêts particuliers s'effacent toujours devant celui de l'enclave. Car avant de se définir par ce mot d'enclave -qui est finalement plus récent qu'on ne le pense-, les communes s'intitulent elles-mêmes : les communautés intéressées. On n'a pas besoin de préciser par quoi elles sont intéressées, c'est évident puisqu'il s'agit de l'intérêt de l'enclave. Et pour pouvoir faciliter la tâche des communes de l'enclave, les autorités pontificales leur accordent notamment le droit de s'assembler sans permission préalable. Autrement dit, l'enclave est une entité tellement forte, tellement évidente, qu'on lui reconnaît une représentation politique extraordinaire dotée d'une certaine indépendance vis-à-vis des institutions étatiques. Or l'action de ces communes s'articule autour de deux points principaux : l'économie et le territoire. L'économie parce qu'il faut trouver une solution particulière aux difficultés douanières et le territoire parce qu'il faut sans cesse lutter contre les voisins français qui cherchent à empiéter le territoire pontifical, notamment en dérivant les cours d'eau. La cohésion des communes de l'enclave se manifeste encore de manière probante lors de la révolution française. A la question, posée lors du premier référendum de l'histoire: «voulez-vous être rattachés à la France?», l'enclave répond par un "NON"unanime et sans appel. Pourtant, le Comtat Venaissin est bel et bien intégré à la France et l'enclave est absorbée par le département de la Drôme. On aurait pu croire que l'histoire de l'enclave s'arrêterait là. Mais non, deux ans plus tard, on crée un nouveau département : le Vaucluse, qui reprend plus ou moins les limites des anciens Etats pontificaux. Bien évidemment l'ancienne enclave veut en être. Et quand, en 1802, Tulette et ses voisines demandent leur rattachement au département de la Drôme, l'enclave retrouve sa forme première !
La communauté des communes de l'enclave des Papes apparaît aujourd'hui comme l'héritière directe de cette ancienne enclave de Valréas qui avait déjà éprouvé, il y a presque 400 ans, tout l'avantage d'un regroupement de compétences infra communal. Aujourd'hui, le renforcement des compétences de la communauté des communes ouvre une nouvelle page de l'histoire de l'enclave. Et puisque le rôle d'un historien est aussi de retenir les leçons du passé afin de mieux préparer l'avenir, je me permets de rappeler aux acteurs de l'enclave actuelle les deux buts primordiaux des enclavés d'autrefois : défendre l'exceptionnalité de leur territoire tout en recherchant sa meilleure intégration possible au sein de l'espace administratif. Et puisque ces objectifs sont toujours d'actualité, je crois qu'il nous faut garder en mémoire la recette inventée et éprouvée par ces anciens enclavés à savoir la cohésion sans faille de nos quatre communes. "
Photo : S.Bentin et les maires des 4 communes de l'Enclave